Le camp de concentration de Struthof : Si cela pouvait servir à quelque chose !

Publié le 8 septembre 2024 - Chroniqueur : Nicolas Messner

Cela fait des années pour ne pas dire plus, que le nom du Struthof me revient en pleine figure comme pour me dire, ‘Comment tu n’es pas encore venu me visiter’? Mais est-il possible de visiter un lieu comme celui-ci ? Est-il envisageable de se plonger dans l’horreur des camps de concentration nazis comme si l’on allait faire une promenade digestive?

Une présence historique insupportable

 

@nicolasmessner

Je suis né à moins de cinquante kilomètres de ce lieu répugnant et il m’aura donc fallu 51 ans, mon âge, avant d’oser en pousser les lourdes portes en bois et fils barbelés qui cachent l’innommable.

Ce n’est pas parce que je ne m’y étais jamais rendu, que j’en avais ignoré l’existence, bien au contraire, car la période de la seconde guerre mondiale m’a toujours intéressé, tant elle explique beaucoup de choses sur nos temps modernes. Je suis même souvent passé à seulement quelques kilomètres du Struthof, en me rendant dans la toute proche petite station de montagne du Champ du Feu. C’est juste que jamais je n’avais osé, osé m’arrêter, osé affronter le camp les yeux dans les yeux, osé me faire mal à l’âme.

@nicolasmessner

Il faut dire que la région a de quoi attirer le regard du photographe que je suis. Les courbes vosgiennes sont voluptueuses et le parfum des sous-bois est enivrant. J’aime m’y promener, voire m’y perdre. Il y a quelque chose de fantastiquement ressourçant ici, à quelques 1 000 mètres d’altitude. Et pourtant c’est bien dans ces lieux enchanteurs que la folie nazie s’est déchainée dans ce qui est aujourd’hui le seul camp de concentration qui se situe sur le territoire national français.

Le camp de concentration de Natzweiler-Struthof, de 1941 à 1944…

 

@nicolasmessner

Auschwitz, Bergen-Belsen, Dachau, Buchenwald et tant d’autres… mais aussi le Struthof donc, plus précisément le camp de concentration de Natzweiler-Struthof, comme si l’ajout de Natzweiler en atténuait la terrible destinée.

Le camp ouvrit ses portes ignobles en mai 1941 en plein coeur de la Seconde Guerre Mondiale pour les refermer sur des milliers d’innocents. Son but : fournir au Reich une main d’oeuvre d’esclaves corvéables à merci pour son industrie, mais aussi pour y entasser nombre de déportés politiques, de juifs, tziganes, homosexuels ainsi que des Témoins de Jehovah et j’en oublie. En tout 52 000 personnes sont passées par ce camp et pas loin d’un tiers d’entre elles n’en sont jamais ressorties.

 

Concrètement que voit-on au Struthof ? Un réseau de clôtures qui furent en leur temps électrifiées, des miradors oppressants et les yeux globuleux des projecteurs qui semaient la terreur parmi la population carcérale, quatre baraques dont la prison et le four crématoire, une potence avec sa corde qui se balance encore au gré du vent… Un peu plus bas, à 1.5 km, on peut encore ‘visiter’ la chambre à gaz.

 

Struthof, aujourd’hui…

 

@nicolasmessner

Ce que j’ai trouvé le plus choquant, c’est de pouvoir me promener au milieu d’un système qui avait pour but d’annihiler l’idée même d’humanité, alors qu’aujourd’hui tout y est d’une tranquillité incroyable. C’est totalement fou de dire cela, mais on se sentirait presque bien ici. Entendez-moi bien, c’est justement ce malaise qui m’a frappé. Tout est calme, les oiseaux chantent et pour peu que vous choisissiez une belle après-midi d’août pour visiter le Struthof, si vous fermez les yeux, vous aurez presque l’impression d’être dans l’antichambre du paradis, et pourtant…

 

Si cela pouvait servir à quelque chose…

 

Car c’est bien ici même que des innocents furent discriminés, réduits en esclavage et pour beaucoup exterminés sans autre forme de procès. C’est ici que des médecins fous firent des expériences sur le corps humain, c’est ici que des femmes, des hommes, des vieillards et des enfants rendirent leur dernier souffle, car ne nous y trompons pas, le Struthof encore en 2024 pue la mort, une mort sur laquelle on aurait déversé des millions de tonnes de ‘brise des Vosges’ et de ‘Senteur des Pins’.

 

Des milliers de déportés se sont donc retrouvés jetés et entassés dans les baraques du Struthof, beaucoup étaient des ‘Nacht und Nebel’ (NN), ‘Nuit et Brouillard’, car Natzweiler avait été désigné comme camp de regroupement de tous les détenus masculins, victimes du décret Nuit et brouillard, détenus dits « NN ». Autant dire que n’importe qui pouvait avoir le malheur de se retrouver ici.

 

 

@nicolasmesnerr

En me rendant au Struthof, j’ai enfin rompu l’espèce de malédiction qui m’empêchait d’y pénétrer. J’ai enfin osé regarder l’histoire en face. J’ai parcouru le lieu en silence, essayant de percevoir les cris des détenus qui se perdent dans le temps et flottent toujours dans l’air d’une douce après-midi d’août. J’ai écouté le bruit chuintant du four crématoire qui des décennies plus tard possède toujours la même salle gueule noire et démoniaque. J’ai ressenti la puanteur imposée à tous dans le rejet de la moindre main tendue. J’ai vu des corps se balancer au bout d’une corde, j’ai ressenti les milliers de volts qui parcourraient jadis les réseaux barbelés, j’ai vu l’enfer au milieu du paradis, encore plus glauque car justement il est niché dans le plus bel endroit qui soit.

 

@nicolasmessner

Je ne regrette pas d’être venu, je ne regrette pas d’avoir vu, mieux vaut tard que jamais, car c’est peut-être en voyant et en entretenant la mémoire, que l’on évitera que cela ne se reproduise. Si cela peut servir à quelque chose, c’est bien à cela. Alors, lorsque vous viendrez en Alsace, lorsque vous serez proches de Strasbourg, si vous le pouvez, vous aussi, venez pousser les portes de la décadence et de l’ignominie. Vraiment, c’est nécessaire !

A propos de l’auteure

Fille d’un artisan-expert judiciaire, puis chef d’entreprise à mon tour, j’ai décidé de quitter le nid familial pour voler de mes propres ailes. J’ai alors œuvré dans le 1er groupe de presse français pendant 15 années. La filiale dans laquelle je travaillais a fermé ses portes après plus de 40 ans d’existence. D’un malheur est né un rêve. Je me suis alors inscrite dans une célèbre école de journalisme. Et mon diplôme d’attachée de presse en poche… Me voici…

Vous allez découvrir que je suis spontanée, capricieuse, espiègle, malicieuse faut-il croire, rêveuse sûrement, contemplative absolument, timide beaucoup et agaçante semblerait-il, sans aucun doute, pour certains…

Ce sont assurément pour toutes ces raisons, qu’il vaut mieux que j’écrive, c’est encore là que je reste la plus mignonne… Quoique !

Contactez-moi !

error: Content is protected !!